Face aux défis climatiques, l’agriculture marocaine se tourne vers des pratiques innovantes pour assurer sa pérennité. Parmi elles, l’irrigation de complément une technique prometteuse, se distingue par son efficacité à optimiser la gestion de l'eau et à garantir des rendements agricoles stables, même en période de secheresse
Badr El Hamzaoui
L'irrigation de complément (IC) consiste à ajouter de petites quantités d'eau aux cultures pluviales, dans le but de réduire les pertes de récolte et de stabiliser les rendements. Les agriculteurs ont souvent recours à cette pratique lorsque les précipitations se font attendre ou en période de sécheresse. Toutefois, avec la fréquence croissante des sécheresses au Maroc, l'adoption de l'irrigation de complément est devenue nécessaire.
Au Maroc, la production végétale en agriculture pluviale est souvent entravée par le manque d'eau et les fortes fluctuations de la pluviométrie. Cependant, le recours à l'irrigation de complément pourrait représenter une solution intéressante pour atténuer le déficit hydrique des cultures pluviales. D'autant que cette pratique a démontré son efficacité.
Contacté par Médias24, le Dr Abdelmalek Zirari, chef du département d’agronomie et de machinisme agricole à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), nous éclaire sur le rôle de l'irrigation de complément dans le contexte marocain. "Dans notre contexte, la recherche agronomique est appelé plus que jamais à jouer un rôle fondamental pour identifier des stratégies de gestion efficiente, précise et durable de l’irrigation à la parcelle. La combinaison de ces stratégies en paquets technologiques, avec la sélection de matériel végétal tolérant à la sécheresse, permettra de pallier efficacement la problématique, avec la sélection de matériel de l’eau en agriculture marocaine. Parmi les techniques prometteuses pour aboutir à cet objectif de gestion éco-efficiente de l’irrigation figure l’irrigation complémentaire.
"Dite aussi irrigation de complément, supplémentaire ou d’appoint, cette technique s'applique à des cultures essentiellement pluviales, dans le but de combler les insuffisances enregistrées en matière des précipitations en zones arides et semi-arides. Elle consiste à apporter l’eau d'irrigation pendant des stades critiques de croissance de la culture, durant lesquels les composantes du rendement sont plus sensibles au stress hydrique (Phase de forte activité végétative, accélération du développement des fruits etc.). Il s'agit en fait de combler le déficit en pluies constaté à des stades critiques de la culture par un apport d'eau d’irrigation, en vue de maintenir la culture et sécuriser sa productivité".
La pratique de l’irrigation de complément est hautement efficace et offre un immense potentiel pour accroître la production agricole et améliorer les moyens de subsistance dans les zones arides non irriguées. Une étude conclut que, dans des conditions de ressources en eau limitées, l’agriculture de complément peut maximiser le rendement céréalier jusqu’à 4 tonnes par hectare.
De même, les simulations effectuées par une équipe de recherche à l'Université de Liège montrent que la pratique de l'IC en année sèche et myope permet d'accroître le revenu espéré respectivement de 13,5 à 26,5%, comparativement à la situation sans irrigation.
Ainsi, dans un article de recherche sur l'irrigation de complément des céréales dans la région de Meknès, les auteurs avancent que les observations faites durant toute la période 1951-1989 ont permis de constater qu'il n’y a pas une seule année où le déficit hydrique n'apparaît pas. Il en ressort alors que l'irrigation de complément est la seule voie possible pour échapper aux aléas de la pluviométrie.
Les résultats des recherches menées par l’INRA ont montré que l’adoption de variétés améliorées et le développement des techniques innovantes dans l’irrigation jouent un rôle crucial dans l’augmentation du rendement céréalier. ”Cette pratique d’irrigation de complément a été testée par l’INRA sur plusieurs cultures pluviales, dont les travaux récents sur l’olivier et le blé tendre. En ce qui concerne l'olivier par exemple, des chercheurs du Centre de l'INRA à Meknès ont découvert qu'une irrigation d'appoint de 500 litres/arbre, au cours de la première phase rapide de croissance du fruit (mi-juin), donne des résultats impressionnants, estimés à 43 % d'amélioration de la production oléieole pluviale.
"Pour ce qui est du blé tendre, les résultats obtenus par des chercheurs du Centre de l'INRA, à Settat, indiquent que l’application d'un régime d’irrigation complémentaire de 100 mm au tallage, a été positif avec un rendement de 28,6 q/ha, soit une amélioration de 100% par rapport à la campagne qui était une année relativement sèche (130 mm) et où la production en bour était presque nulle. Un tel régime est montré convenable pour des variétés à cycle court. En outre, un régime complémentaire de 100 mm au tallage et 100 mm à l’épiaison a enregistré un rendement de 31,6 q/ha, soit une amélioration de 9% par rapport au premier régime d’irrigation, et ce pour des variétés à cycle long. Ces résultats confirment l’importance de tenir compte aussi des performances génétiques des variétés pour maintenir un haut rendement, avec l’utilisation d’un minimum d'eau sous des conditions arides et semi-arides", souligne notre interlocuteur.
L'irrigation de complément s'avère être adaptée au contexte marocain, notamment dans le cas de l’année en cours marquée par des précipitations tardives. L’adoption de cette pratique aurait permis une irrigation précoce, au moment où les précipitations ont été perturbées.
"L’irrigation cemplémentaire constitue de ce fait une alternative d’irrigation, là où les précipitations sont insuffisantes. Par ailleurs, des chercheurs de l'INRA à Settat œuvrent actuellement pour plus de précision dans cette technique et pour mieux préserver la récolte en cas de sécheresse ou de précipitations tardives. Une approche prometteuse consistant à promouvoir des technologies d’irrigation qui utilisent des capteurs numériques peu couteux comme point de contrôle pour surveiller l’humidité du sol. Ces capteurs offrent des données en temps réel à des endroits spécifiques, permettant aux agriculteurs de prendre des décisions éclairées et d’optimiser leurs pratiques d’irrigation en conséquence”, conclut le Dr Abdelmalek Zirari.
Source: média24.com